débat sur le recrutement des enseignants à l'Université

"Bien plus que l'armée, l'Université était jusqu'à récemment la grande muette."
Pierre Jourde, Université : la grande illusion
Plusieurs publications d'articles, d'essais et même de romans concordent à engager le débat sur un problème largement répandu et connu du monde universitaire mais néanmoins tenu jusqu'à une date récente dans un silence relatif. Nul doute que la loi de Valérie Pécresse sur les responsabilités et libertés des Universités, bien qu'elle soit contestée par la plupart des auteurs de ces communications a quand même contribué à rouvrir la question du recrutement des personnels enseignants (ATER-maîtres de conférence et professeurs) dans l'Enseignement Supérieur.
C'était le propos de Xavier Dunezat, qui dans une missive de 15 pages que vous trouverez là, disponible sur le portail "liens-socio", expliquait pourquoi il démissionnait de son poste de maître de conférence en sociologie à l'Université de Lille 3
Un article du Monde du 16 octobre 2007, "copinage" et "mépris" des étudiants : un enseignant ouvre le débat sur le recrutement à l'Université revient sur cette lettre ouverte et particulièrement sur le manque de transparence des commissions de recrutement et le fait qu'elles favorisent toujours les "candidats locaux".
L'ouvrage dirigé par Pierre Jourde intitulé L'Université : la Grande Illusion (cf. résumé d'Alexandre Gefen paru sur fabula.org, le portail des Lettres), publié en mars 2007, -un an après la crise du CPE et 5 mois avant que le projet de loi de la ministre de l'éducation ne passe devant le Parlement- portait déjà le fer dans la plaie :
"Les candidats extérieurs, venant d'autres universités, ont des chances très réduites. Les exemples d'injustice abondent du fait de l'application de ce jus loci. Il est arrivé que des candidats extérieurs constatent que le carton contenant leur dossier n'avait pas même été ouvert, que l'on présélectionne pour audition des candidats extérieurs invités en qualité de figurants, que l'on présélectionne de mauvais candidats pour qu'ils ne gênent pas le candidat local, ou que l'on cible le profil du poste pour qu'il ne convienne qu'au candidat local" (page 58)
Il est bien difficile de savoir si la nouvelle disposition de la loi Pécresse qui dote le Président de l'Université d'un droit de veto concernant le recrutement de ses personnels va permettre d'endiguer ce localisme ou au contraire le renforcer.
Quant aux doctorants qui assument une grande partie des TD à la faculté, la fin de l'exploitation par leurs pairs n'est pas pour bientôt. L'ouvrage de Clarisse Buono sur le sujet, Félicitations du jury, (cf. mon article du 5 avril 2007), ainsi que la lettre ouverte de Dunezat montrent que les départements de sociologie sont témoins d'autant d'injustices et d'inégalités que les autres départements. L'hypocrisie y est même plus grande qu'ailleurs, puisque bien des professeurs de sociologie considèrent leur enseignement comme une critique des inégalités au sein des institutions.
Ces critiques qui nous parviennent de l'intérieur du système, nous montrent que si la plupart des dispositions de la loi Pécresse peuvent porter atteinte aux statuts des personnels, à l'intérêt des étudiants et au bon fonctionnement de l'Université, le statut quo est également intolérable.