Lettre à Dieu

Publié le par Damien

    Sonné par une rupture, j'ai envoyé une lettre à Dieu avec une demande (cette demande ne s'accompagnait d'aucun espoir particulier). Dans cette lettre je demandais de l'amour pour elle et pour moi (comme nous n'en trouvions plus l'un auprès de l'autre).
Le fait d'écrire une lettre à Dieu, Yahvé ou au Grand Quelqu'Il soit, d'y marquer une adresse (Mur des Lamentations, Jérusalem, Israël), d'y coller un timbre et de l'envoyer par la poste, tout cela s'est avéré beaucoup plus apaisant qu'une prière. Une prière, c'est angoissant : on parle entre quatre murs humides couverts de salpêtre, dans une immensité sidérale et silencieuse. On murmure du bout des lèvres, parce qu'on ne voudrait surtout pas que l'homme d'à côté nous entende. Lui, il s'en fait certainement pour une affaire d'importance. Et soi-même, avec un chagrin d'amour... Qu'est-ce qu'Il y peut le réputé Bon Dieu ? On se demande toujours pourquoi il faudrait parler à Dieu pour se faire entendre de lui (puisqu'Il est aussi réputé sonder les reins et les coeurs)
Des reins désoeuvrés qui ne frissonnent même plus au seul nom de la femme aimée, et un coeur plus triste qu'un très-au-vent-d'octobre paysage, qu'est-ce qu'ils y gagneraient à une prière ?
Alors soit Dieu existe et il se fout de ma lettre, comme il se fout du reste. Soit Il n'existe pas. Soit Il m'envoie une fille digne de P. et à P. un homme qui me vaille.
J'ai rédigé ma lettre en anglais, non pas que Dieu soit anglophone, mais parce que le postier qui amène tous les jours le courrier au Mur des Lamentations et le jette deux jours plus tard, le modeste employé des Postes israëliennes la lira, si avec un peu de chance ma lettre échappe au carnage et qu'il a appris l'anglais.
Au moins, je peux espérer un peu de compréhension humaine. Qu'est-ce qu'on peut demander d'ailleurs de plus à quelqu'un ?

J'ai appris qu'un sénateur (celui du Nebraska) voulait intenter un procès à Dieu pour "mort, destruction et terreur en son nom". Le Juge a refusé de suivre la procédure pour la raison que l'accusé, dépourvu d'adresse légale, ne pouvait être informé des poursuites à son encontre.
J'ai entendu la même histoire à la radio à propos d'un bulgare qui portait plainte pour rupture de contrat au motif que Dieu n'avait exaucé aucune de ses prières. Il a été débouté pour les mêmes raisons...
ça m'amuse tout ça. Heureusement qu'on croit encore assez à Dieu pour pouvoir l'accuser des avanies qu'on subit sur Terre. Sinon on en serait à s'accuser soi-même (là-dessus, je renvoie le lecteur au chant premier de l'Odyssée)

Chez bien des croyants, Dieu n'est qu'un prétexte à restreindre sa liberté (c'est angoissant la liberté). Pour d'autres, moins angoissés et plus affectifs, Dieu c'est à la fois le père, le fils et l'homme idéal. Et bien pour moi, Dieu, c'est juste une adresse. J'espère que quelqu'un, Homme ou Dieu, ramasse de temps en temps le courrier.

"Le vin perdu
J'ai, quelque jour, dans l'Océan,
(Mais je ne sais plus sous quels cieux),
Jeté comme offrande au néant,

Tout un peu de vin précieux...
Qui voulut ta perte, " liqueur?
J'obéis peut-être au divin?
Peut-être au souci de mon coeur"

,écrivait Paul Valéry

Certainement plus au souci de mon coeur...



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