Des blogs à Persépolis
Cette sphère étoilée représente la façon dont les blogs iraniens s'organisent autour de quelques thèmes principaux : blogs d'expatriés en jaune, blogs à sensibilité réformatrice en vert, à tendance conservatrice en rouge, blogs religieux maintenus par des jeunes gens (en bleu clair). Les blogs consacrés à la poésie apparaissent en violet ; Nicolas Bouvier disait déjà du peuple iranien dans les années 60 qu'il n'en existait pas de plus poète. cf L'usage du monde.John Kelly et Bruce Etling, les auteurs de cette enquête sur la blosphère persane, font remarquer qu'"en dépit de l'opinion préconçue selon laquelle les bloggeurs iraniens sont en majorité de jeunes démocrates qui critiquent le régime, [ils ont] trouvé un vaste spectre d'opinions allant de points de vue conservateurs à des partis pris profanes ou réformateurs, des sujets qui vont de la politique et des droits de l'homme à la poésie, la religion et la pop-culture.)
Cette enquête menée par des chercheurs de Harvard est parue le 5 avril dernier.
1. "Persepolis", de Marjane Satrapi, interdit au Liban
J e voudrais signaler aujourd'hui deux cas de censure contre lesquels les milieux militants du Liban et d'Iran pourront réagir avec succès. Je me rends compte à quel point le blogging activité innocente en Europe peut être mal vu et dangereux dans des républiques islamiques ou en voie d'islamisation.
Au Liban, où les bloggeurs n'encourent pas de peine pour leur édition sur le net, le ministre de l'intérieur a néanmoins récemment interdit la projection du film Persépolis de Marjane Satrapi au motif que ce film pouvait réveiller des querelles inter-religieuses (cf. cette dépêche de l'ESISC - European statistic intelligence and strategic center - comité de veille sur le terrorisme). C'est bien en fait sous la pression du Hezbollah pro-iranien que Persépolis qui dénonce le fanatisme religieux des autorités iraniennes n'a pu être diffusé. La question reste entière et je repose la question qui m'a voulu plusieurs commentaires indignés : comment protéger le Liban du Hezbollah ?
2. condamnations exercées à l'encontre de bloggeurs en Iran
Un cycle d'émissions très intéressantes sur l'Iran est diffusé tous les matins depuis le début de cette semaine sur France-Culture par Sonia Kronlund (productrice des "Pieds sur terre"). Ce matin, dans le cadre de ce cycle intitulé "Iran et la vie continue", Sonia Kronlund invitait la sociologue Seppideh Karkkondeh a parle de la condition de la femme en Iran et du rapport entre l'internet et la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs droits civiques.
De façon spontanée, quand le Pouvoir décide de ne plus autoriser la parution d'une revue féministe comme ce fut le cas récemment pour Zanan (cf. cet article de l'international Herald Tribune paru le 8 février dernier), des femmes ouvrent sur le champ des blogs pour continuer la lutte.
Pour les jeunes filles contraintes de porter le voile dans les lieux publics, le blog était jusqu'à présent un moyen efficace de "se dévoiler" sans courir de risques. Cette fois, c'est le journal suisse Le temps qui nous apprend que la censure qui s'exerçait auparavant sur les sites érotiques et les plateforme comme Youtube sévit dorénavant aussi contre les blogs féministes ( L'Iran censure les blogs féministesLe Temps, 21 mai 2008, 269 mots, Le Temps).
La répression s'est accentuée au début de ce mois avec un projet de loi permettant de condamner à mort des auteurs de crimes sur Internet. Les crimes considérés sont les suivants :
"According to Article 513of the Islamic punishment law, the punishment of those who insult Islam's sacred things, the prophets, the holy Imams (peace be upon them) or Her Holiness Zahra (peace be upon her) is death sentence"
"En vertu de l'article 513 du code pénal islamique, la peine qui s'exerce à l'encontre de ceux qui insultent les objets sacrés de l'Islam, les prophètes et les saints Imams (la paix soit sur Eux) ainsi que sa sainteté Zahra (la paix soit sur Elle) est la peine de mort). Si le "crime" a eu lieu sur Internet, la même sentence s'exerce à l'encontre de l'auteur que si le blasphème avait été commis en public.
Aucun bloggueur n'ont été encore exécutés, mais plusieurs ont été arrêtés ; l'un d'eux à été condamné à mort et attend l'exécution du verdict, d'après Reporters sans Frontières.
Si le nouveau projet de loi passe, la création d'un blog athée ou critique du régime sera puni de la même manière qu'un vol à main armée ou bien un viol : par la mort du condamné...
cf. cet extrait d'un article de RSF paru le 7 juillet 2008 et publié par la BBC
"Article 2 of the bill lists the crimes that are already subject to the death penalty, including armed robbery, rape and creating prostitution networks. If the law is adopted, "the creation of blogs and websites promoting corruption, prostitution and apostasy" will also become capital crimes."
Dans ce cas, le bloggeur est considéré soit comme Mohareb (ennemi de Dieu), soit comme "corrupteur sur terre" mettant en danger "la sécurité morale de la nation".
(déclaration du procureur général de Téhéran rapportée dansun article de la BBC ( Iran prosecutor says websites causing moral corruption, BBC Monitoring Middle East, 15:31, 18 juillet 2008, 851 mots ; cf. aussi l'article publié sur le site Internet & Democracy par les chercheurs de Harvard que j'évoquais plus haut )
Rien n'est plus étonnant au Liban que cette contradiction entre le goût des jeunes iraniens pour les Nouvelles Technologies et l'archaïsme avec lesquel le gouvernement traite ceux qui les utilisent.
Nous espérons que la révolution des nouvelles technologies sera pour quelque chose dans la chute du régime des Ayatollahs que nous espérons pour bientôt, mais il semble malheureusement que la brutalité et le fanatisme ait gagné pour l'instant une longueur d'avance.
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