Comment protéger le Liban du Hezbollah ?

Publié le par Damien

                                                 affiche de propagande en faveur de l'alliance Aoun/Nasrallah



En 1999, lorsque je me suis rendu pour la deuxième fois au Liban, on pouvait espérer que ce petit pays se libérerait un jour prochain de l'emprise de ses dangereux voisins et par ailleurs que le système politique fondé sur le partage délicat des responsabilités entre les différentes confessions représentées dans le pays laisserait le champ à un Etat laïc gouverné par des élites renouvelées n'ayant pas participé à la guerre civile de 1975 à 1990.

Depuis lors, une succession d'épisodes sanglants a ruiné cet espoir :

1. Certes, les forces israëliennes ont quitté le Liban en 2001, mais elles l'ont fait de telle sorte que la souveraineté de cette partie du pays ne revienne pas au gouvernement libanais, mais bien au Hezbollah qui, depuis, se sert de cette base pour tirer régulièrement des roquettes sur les villes israëliennes.

2. Le très corrompu premier ministre Rafik Hariri a été assassiné. On ne va pas le pleurer... mais comment ne pas percevoir la main de Damas dans cet attentat et dans celui qui ont couté la vie à deux ministres de la majorité par la suite ?

3.Certes en 2005, un vent de liberté a parcouru le Liban, et on a même vu les services secrets syriens (fameux services secrets, ces hommes qui contrôlaient le trafic en  pantalon de ville et chemise la kalachnikov à l'épaule !) refluer hors du pays, mais Samir Kassir dont j'avais lu La guerre du Liban après mon retour a été assassiné dans des circonstances similaires (voiture piégée) le 2 juin 2005 au plus fort des manifestations anti-syriennes. J'appréciais le regard de ce journaliste qui tout en dénonçant l'impérialisme de l'Etat syrien défendait la cause des travailleurs syriens sur le sol libanais, travailleurs dont je savais depuis mon voyage au Liban qu'ils étaient largement exploités par la bourgeoisie libanaise et régulièrement victimes d'actes xénophobes. Damas continue de se servir de l'attentat à la voiture piégée comme d'une arme politique pour asseoir son pouvoir, et manipule ici ou là des factions extrémistes pour mettre en difficulté le gouvernement anti-syrien de Fouad Siniora.

4. Le prise du camp de Nahr Al-Bared par un groupe salafiste inspiré par Al-Qaeda a illustré pendant l'été 2007 la capacité de nuire que l'état Baasiste a conservé depuis 2005 en activant au besoin des cellules extrémistes (en l'occurrence le Fatah Al-Islam) dans les camps de réfugiés palestiniens. D'autres conflits de ce genre sont à attendre dans la mesure où les Palestiniens supportent très mal que le gouvernement libanais exerce une tutelle sur leurs camps, ce qui peut se comprendre si l'on songe que rien n'a été fait non plus par ce gouvernement pour les intégrer les réfugiés palestiniens à la population ou leur donner les mêmes droits qu'aux autres Libanais.

5. Israël a mené une guerre détestable en 2006, en bombardant les populations du Sud-Liban et de Beyrouth-Ouest sans lésiner sur les bombes à sous-munitions qui continuent de faire des victimes parmi les civils. Le Hezbollah a suivi ses propres objectifs en attaquant au sol des militaires israëliens un peu désorientés par l'ampleur de la résistance qu'ils rencontraient sur le terrain. Ainsi le Hezbollah a réussi à faire passer une relative défaite militaire en absolue victoire stratégique ; depuis le "Parti de Dieu" bloque l'élection du Président et fait peser un climat de peur et de violence sur Beyrouth et ses environs.
L'armée libanaise est depuis toujours aussi impuissante face aux attaques aériennes d'Israël (absence de batteries anti-aériennes) et d'ailleurs, cette armée ne peut plus jouer de façon crédible le rôle de ciment national. En effet, relativement unie, quand elle a pour mission de chasser les salafistes des camps de réfugiés, elle menace d'éclater dès que le gouvernement lui intime l'ordre de contraindre le Hezbollah à quitter ses positions (comme l'a montré le coup de force des partisans de Nasrallah à Beyrouth Ouest ces derniers jours.)

Le signe le plus préoccupant de la crise politique que traverse le Liban est le rapprochement des partis et factions chrétiennees avec le Hezbollah. Ce rapprochement a connu son paroxysme en 2005, quand le général Aoun, leader du parti chrétien encore majoritaire, a scellé une alliance électorale avec Nasrallah et déclarait alors, dans les colonnes de Libération le 19 novembre 2007, que "tout choix maintenant qui n'a pas l'appui du Hezbollah [allait] entraîner un conflit armé". Si encore, c'était de la Realpolitik ! Mais il y a chez certains chrétiens le refus de voir que le but du Hezbollah n'est pas seulement "d'effacer Israël de l'existence" -pour reprendre les propos de son leader-, mais aussi d'instaurer au Liban une république islamique dans le giron du grand frère iranien.
Mes amis libanais qui vivent à Rennes et à qui je parle de la situation sont eux-mêmes divisés sur cette question. L'un considère que j'ai raison et que le Hezbollah n'est rien de plus qu'un mouvement terroriste qui suit son but propre celui d'établir lun Etat totalitaire religieux sur le dos des sunnites, des chrétiens et des druzes. L'autre considère que le Hezbollah est le seul mouvement de résistance patriotique qui perdure au Liban.

Je comprends mieux toutefois que certains chrétiens prennent fait et cause pour le Hezbollah en dépit du totalitarisme religieux qui inspire les cadres du mouvement depuis que j'ai lu l'ouvrage que Jean Rolin a consacré aux  chrétiens de Palestine (ROLIN Jean, Chrétiens, Paris : P.O.L, 2003).
Dans cet ouvrage que l'auteur a rédigé après un séjour d'un mois en Palestine, Jean Rolin montre comment la communauté chrétienne de Béthléem et de Ramallah,  polarisée par la lutte contre l'occupant israëlien, souffre en silence les vexations de fondamentalistes issus de la majorité musulmane sunnite (les combattants du Hamas tirent leurs roquettes de préférence de maisons ou de quartiers qu'ils savent peuplés de Chrétiens de telle sorte que les quartiers musulmans n'aient pas à souffrir des représailles israëliennes, l'Autorité palestinienne instaure des journées de deuil (en l'honneur des martyrs) le jour de fêtes chrétiennes, des Chrétiens sont roués de coups ou bien font les frais des sermons enflammés des imams qui les mettent dans le même sac que les "croisés américains". Pour les fondamentalistes musulmans, la lutte contre Israël est, en Palestine comme au Liban, un prétexte pour installer une tyrannie pari les populations qui ne partagent pas leur foi. Et si malgré tout, les Chrétiens d'Orient sentent qu'une hostilité grandit à leur égard chez leurs alliés objectifs, ils se censurent au nom de la lutte commune contre l'Etat sioniste. En Palestine, des curés déclarent tout bonnement que "le sang des martyrs est la semence de la liberté", comparant successivement Sharon à Pharaon et à Néron (p 175.) Comme le relève l'auteur, il arrive souvent que dans les médias palestiniens les sunnites se montrent plus scandalisés par les passages à tabac ou les meurtres dont sont victimes des chrétiens de Palestine, que les chrétiens eux-mêmes. La même auto-censure est à l'oeuvre parmi les soldats chrétiens engagés au côté du Hezbollah depuis la "victoire" d'août 2006 : certains dénoncent la politique du pire du "Parti de Dieu" mais beaucoup taisent les brimades auxquelles les populations chrétiennes contrôlées par le Hezbollah sont en butte. Jean Rolin montre en outre comment le fait que beaucoup de chrétiens adhéraient par le passé à des groupes marxistes leur permettaient aussi de s'exprimer dans un contexte extra-confessionnel. Aujourd'hui, plus aucun espace public n'est extra-confessionnel. Toutes les affaires sont réduites à cette seule question de votre appartenance ethnique (comme naguère en France vos propos étaient toujours rapportés à votre condition sociale). Nous allons vers une asphyxie complète de la politique au Moyen-Orient et -en ce qui concerne le Liban- l'espoir de faire de cet ancien protectorat français un Etat souverain, laïc et incontesté dans ses propres frontières, cet espoir s'éloigne chaque jour un peu plus.












Publié dans politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
provoccomment protéger le liban du hezbollah???a ce que je sache c'est le hezbollah qui protège le liban contre israel?c'est lui qui a libéré le sud du pays et c'est lui qui a défendu le pays lors du déluge de feu et de sanf de 2006il parait qu'il y avait une résolution de l'ONU, la 425 qui stipulait le retrait des forces d'occupation israelienne du liban, qui date de 1978, lors de la 1ère invasion israelienne du Liban, y a eu ensuite l'invasion de 1982, les massacres de sabra et chatila(l'éclairage, la chaux, l'armement, ... étaient israéliens! les exécutants les forces libanaises) n'a jamais été appliqué! pourquoi la communanuté internationale ne s'active que lors qu'il s'agit des interets de l''état d'israel?pourqoui lors de la derniere guerre de 2006, personne n'a bougé peandant que tsahal bombardait les infrastructures de l'état libanais...tant de questions qui montrent bien le part pris
Répondre
R
relative défaite militaire(du hezbollah) dites vous!la démission du ministre de la défense de l'armée de défense (une armée qui n'a mené que des guerres offensives! pas mal le marketing), celle du chef de l'état major, le rappport accablant vinograd, les pertes de soldats, le traumatisme de la population, l'incapacité des unités d'élite à occuper un village, l'aura des combattants du hezbollah...et vous nous parlez de relative défaite du hezbollah
Répondre
2
2 poids, 2 mesures...beaucoup de monde(notamment en occidant) s'offusque de l'alliance "contre-nature" entre le courant patriotique libre du général michel aoun et le hezbollah de sayyed hassan nasrallah.Cependant personne ne s'est offusqué quand le fils hariri, walid joumblatt(chef druze) du parti socialiste progressite libanais(qui est un parti féodal, mais fait partie d el'internationale socialiste) et samir geagea, chef des forces libanaises chrétiennes(en occident "on" nous les présentait comme fachos, avec les phalages libanaises!) qui se sont alliés avec le hezbollah pour etre majoritaire.Walid Joumblatt, passe en France pour etre le chef de la majorité anti-syrienne, lui qui en a fait des trajets beyrouth damas pour etre adoubé par le president syrien hafez el assad(qui en passant avait tué son père! mais walid joumblatt s'est vengé contre les chrétiens de "sa montagne")Le seul qui s'opposait à la syrie quand elle occupait le liban c'était le génaral michel aoun, or on ne l'a rarement entendu parler quand il était en exil en France... En 96, le président chirac, devant le parlement libanais parlait du rôle indispensable de la syrie au liban.Drôles de liberté de presse en occidant. maintenant il est catalogué pro-syrien! et on s'offusque ou on ne comprend pas son alliance avec le hezbollah (qui en passant est un parti libanais) 
Répondre
S
quelques remarques:La profondeur stratégique des chiites c'est la république islamique d'Iran chiete, celle des sunnites c'est le royaume d'Arabaie sunnite(que la famille Saoud s'est appropriée l'appellent saoudite)Les 2 régimes sont théocratiques, l'iran(qui fait partie de l' "axe du mal") est plus ouvert tout de même que l'arabie, pourtant alliée des occidentauxLa profondeur stratégique des maronites: y en a pas, c'est aussi simple que ca. Le monde arabo musulman est trop contraignant pour eux. L'occidant ne fonctionne qu'en terme d'interet. Dans les 2 cas ils vont vers leur propre et lente mort. Manque de liberté dans le monde arabo musulman et manque de spiritualité et de chaleur humaine dans le monde occidental.
Répondre
M
Il parait qu'en république islamique de france on annule les marriages pour cause de non virginité! vive le communautarisme! même le hezbollah est plus pragmatique!
Répondre