Le phare du bout du monde
Ce matin, large coefficient d'attente et d'angoisse. Par vagues successives, son prénom vient battre contre mes tempes. J'ai envoyé un SMS à l'intéressée pour lui proposer d'aller prendre un café sur la Place des Lices (pour une fois que je me trouve à Rennes un jour de marché). Il est midi passé, et je n'ai toujours pas de réponse. J'ai commencé à picoler tout seul une petite bière à la terrasse d'un café, le premier que j'ai trouvé. Trois librairies visitées de fond en comble pour me changer les idées, attendant que le téléphone vibre dans la poche intérieure de ma veste, mais de vibrations, point. On en reste à l'écume des choses, à la mousse ontologique. Alors va pour une bière.
Un homme est là qui joue sur un grand xylophone des airs de valse. Et cette musique me rappelle toutes les fois où je me suis retrouvé pareil à aujourd'hui, objectivement seul, mais comme abandonné depuis le premier jour. J'ai maudit tous les Saints qui ont donné leur nom à ces jours-là et la vision du calendrier est devenu pour moi semblbable à celle d'une liste noire.
Quand vous voyez ne serait-ce que la queue d'un espoir, sautez lui dessus, ne le laissez pas filer.
Détachez les casseroles que le temps a accrochées à votre cerf-volant.
Mettez vous même un peu de levain pour faire gonfler les jours, car si non vous, qui le fera ?
Faites-moi lever cette pâte insipide, et peut-être une ou deux fois par an vous aurez du jour croustillant à votre déjeuner.
Dieu fabrique à la chaîne des semaines où nous devons remonter notre petit bonheur comme une horloge. ça en suppose des combinaisons, ce petit jeu ! Mais quand on réussit, on peut être satisfait -quoique sans enthousiasme : comme lorsqu'on regarde un bateau non de son pont ou d'un phare, mais de l'extérieur d'une bouteille cachetée.
Si c'était un pigeon voyageur que je t'avais envoyé, je pourrais croire qu'il est mort en se goinfrant de morceaux de sandouiches abandonnés, ou bien en succombant à l'effroyable H5N1 ou bien tiré par un chasseur en rase-campagne...Mais c'est un message en binaire que je t'ai adressé par des ondes certaines : viendras-tu, oui ou non ?
J'ai une métaphore de retard, et ma pendule est enrayée ; ces bonheurs bricolés chaque jour ne me suffisent plus. Il faut que tu viennes, mon amour, pour remettre en marche ce qui tourne croche. En t'écrivant, je me demande quelle marée dépose à travers nous ces laisses de mots dont personne ne veut et surtout pas ceux pour qui on les a écrits.
La censure a quasiment désarmé son bras, et je pourrais te dire tout ce qui me passe par la tête, mais tout ce qui me passe par la tête se réduit à bien peu de choses : petites cosmographies pour couvrir ton absence.
Quand vous pouvez mettre un peu de levain, dans votre pâte, n'hésitez pas une seconde. On ne va pas bouffer toute notre vie des hosties faites à la chaîne, quand même !
-Qu'attends-tu pour vivre -dis-je à moi-même) ? Que le temps te courbe jusqu'à mettre moins que la distance d'un stylo entre tes yeux fatigués et ce papier que tu noircis, ce papier qui jaunira quand tous, même toi, l'auront abandonné ?
Ne sens-tu cette terre qui t'attire à elle ; pour t'ensevelir, ça ne devrait lui prendre qu'une poignée de décennies, autant dire un battement de cil.
On doit tout de même pouvoir, si on est amoureux comme il faut -on doit pouvoir s'allonger au bord d'un bras de mer et s'aimer sur la rive du temps. L'amour, dont nous sommes tous maniaques, ne dure peut-être pas plus longtemps que deux gestations d'éléphants. Mais quoi, y a t-il sur terre un but plus recherché que de défaire sa cuirasse pour quelqu'un qu'on aime ? Et tous les pachydermes que nous sommes se ruent après ce papillon : le battement d'un cil ami sur sa peau.
Le xylophoniste reprend la valse d'Amélie, un rien entêtante. Et voici un manteau, rouge comme le tien, qui passe dans la foule. Serait-ce toi et comment aurais-tu fait pour me rejoindre sans savoir où je suis ? C'est quelqu'un d'autre. L'apparence, c'est encore un peu d'écume jetée au visage.
Si tu répondais à ce message, et à quelques autres plus tard, de fil en aiguille, nous pourrions revenir en Argentine, mais pas à Buenos Aires, la mal nommée, où tu as vécu, mais plus au Sud, près des glaces. Il y a un vent triste et froid, mais on aurait assez de feu à consumer ensemble pour se tenir au chaud. Il y a le bois des épaves, il y a de vieux phares qu'on retape. On éclairerait le passage aux bateaux qui franchissent le cap. Tout au bout de ce lieu on commettrait notre adulterre à la société.
Il est temps que je parte maintenant. La bière est éventée. Tu ne viendras plus et il est probable que tu ne téléphones pas davantage. Les manteaux rouges ont fini leur valse. Je dois garder le cap mais les yeux fixés sur toi, dans le lointain.
Un homme est là qui joue sur un grand xylophone des airs de valse. Et cette musique me rappelle toutes les fois où je me suis retrouvé pareil à aujourd'hui, objectivement seul, mais comme abandonné depuis le premier jour. J'ai maudit tous les Saints qui ont donné leur nom à ces jours-là et la vision du calendrier est devenu pour moi semblbable à celle d'une liste noire.
Quand vous voyez ne serait-ce que la queue d'un espoir, sautez lui dessus, ne le laissez pas filer.
Détachez les casseroles que le temps a accrochées à votre cerf-volant.
Mettez vous même un peu de levain pour faire gonfler les jours, car si non vous, qui le fera ?
Faites-moi lever cette pâte insipide, et peut-être une ou deux fois par an vous aurez du jour croustillant à votre déjeuner.
Dieu fabrique à la chaîne des semaines où nous devons remonter notre petit bonheur comme une horloge. ça en suppose des combinaisons, ce petit jeu ! Mais quand on réussit, on peut être satisfait -quoique sans enthousiasme : comme lorsqu'on regarde un bateau non de son pont ou d'un phare, mais de l'extérieur d'une bouteille cachetée.
Si c'était un pigeon voyageur que je t'avais envoyé, je pourrais croire qu'il est mort en se goinfrant de morceaux de sandouiches abandonnés, ou bien en succombant à l'effroyable H5N1 ou bien tiré par un chasseur en rase-campagne...Mais c'est un message en binaire que je t'ai adressé par des ondes certaines : viendras-tu, oui ou non ?
J'ai une métaphore de retard, et ma pendule est enrayée ; ces bonheurs bricolés chaque jour ne me suffisent plus. Il faut que tu viennes, mon amour, pour remettre en marche ce qui tourne croche. En t'écrivant, je me demande quelle marée dépose à travers nous ces laisses de mots dont personne ne veut et surtout pas ceux pour qui on les a écrits.
La censure a quasiment désarmé son bras, et je pourrais te dire tout ce qui me passe par la tête, mais tout ce qui me passe par la tête se réduit à bien peu de choses : petites cosmographies pour couvrir ton absence.
Quand vous pouvez mettre un peu de levain, dans votre pâte, n'hésitez pas une seconde. On ne va pas bouffer toute notre vie des hosties faites à la chaîne, quand même !
-Qu'attends-tu pour vivre -dis-je à moi-même) ? Que le temps te courbe jusqu'à mettre moins que la distance d'un stylo entre tes yeux fatigués et ce papier que tu noircis, ce papier qui jaunira quand tous, même toi, l'auront abandonné ?
Ne sens-tu cette terre qui t'attire à elle ; pour t'ensevelir, ça ne devrait lui prendre qu'une poignée de décennies, autant dire un battement de cil.
On doit tout de même pouvoir, si on est amoureux comme il faut -on doit pouvoir s'allonger au bord d'un bras de mer et s'aimer sur la rive du temps. L'amour, dont nous sommes tous maniaques, ne dure peut-être pas plus longtemps que deux gestations d'éléphants. Mais quoi, y a t-il sur terre un but plus recherché que de défaire sa cuirasse pour quelqu'un qu'on aime ? Et tous les pachydermes que nous sommes se ruent après ce papillon : le battement d'un cil ami sur sa peau.
Le xylophoniste reprend la valse d'Amélie, un rien entêtante. Et voici un manteau, rouge comme le tien, qui passe dans la foule. Serait-ce toi et comment aurais-tu fait pour me rejoindre sans savoir où je suis ? C'est quelqu'un d'autre. L'apparence, c'est encore un peu d'écume jetée au visage.
Si tu répondais à ce message, et à quelques autres plus tard, de fil en aiguille, nous pourrions revenir en Argentine, mais pas à Buenos Aires, la mal nommée, où tu as vécu, mais plus au Sud, près des glaces. Il y a un vent triste et froid, mais on aurait assez de feu à consumer ensemble pour se tenir au chaud. Il y a le bois des épaves, il y a de vieux phares qu'on retape. On éclairerait le passage aux bateaux qui franchissent le cap. Tout au bout de ce lieu on commettrait notre adulterre à la société.
Il est temps que je parte maintenant. La bière est éventée. Tu ne viendras plus et il est probable que tu ne téléphones pas davantage. Les manteaux rouges ont fini leur valse. Je dois garder le cap mais les yeux fixés sur toi, dans le lointain.
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