la décharge à bruits

François Lavallée, conteur québécois, se produisait hier sur la scène du théâtre du Cercle dans le cadre du festival Mythos.
D'un festival à l'autre (je l'avais déjà entendu au festival Mythos de 2006), on retrouve les personnages favoris du conteur : le recycleur de destins perdus, la mort qui voyage en camping-car Chausson, le diable qui inspire à les fois les maires mégalomanes et les DRH de supermarché.
Quant au thème central de son oeuvre, il s'agit d'une critique de la frivolité de la vie moderne dominée par l'avoir et dédaigneuse de l'être, adulatrice de l'asphalte et aveugle à la beauté des arbres.
C'est à Lavallée que j'emprunte le bout de conte suivant (il y manque sa verve et la musique de son accompagnateur, je ne peux qu'en faire un pauvre condensé) :
"Un homme vivait seul dans un désert en Californie. Il faisait profession d'enterrer les bruits gênants dans ce désert qu'il avait transformé en décharge. En décharge à nuisances sonores. Des gens venus de toute la Californie venaient avec dans leur oreille, les bruits irritants, agaçants qui minent notre quotidien : sonneries de portables, rock alternatif du voisin, tondeuse du samedi matin, bavardages d'hommes politiques en peine de popularité. Il suffisait de creuser un trou dans le sable avec la pelle que vous prêtait l'enterreur de bruit, un trou à la mesure du bruit que l'on voulait enterrer, et de pencher l'oreille au dessus du trou. Le bruit tombait alors dans le trou et on n'avait plus qu'à le recouvrir de terre.
Les quelques gouttes de pluie annuelles à l'emplacement de l'ancien trou faisaient pousser des fleurs curieuses, à la tige souvent un peu tordues, très résistantes et résolument tournées vers le soleil.
Ces fleurs, on les appelait -et on les appelle encore- des pensées."