révolution conservatrice ?

Il est encore un peu tôt pour savoir si la victoire de Nicolas Sarkozy aura le même effet en France que vingt ans plus tôt celle de Reagan et de Thatcher, mais dans les discours programmatiques de celui qui n'était hier encore que candidat à la présidentielle, tout est en place pour lui permettre d'assurer cette révolution conservatrice (comme on dit aux USA depuis Ronald Reagan) qui est en fait dans le langage politique français depuis 1789 une Restauration. Tout, c'est à dire : le recours aux valeurs promues par les conservateurs de toujours : le travail, le mérite personnel, l'identité nationale, les racines chrétiennes de l'Europe, et surtout ce bonapartisme français qui a permis une nouvelle victoire de la droite aux présidentielles : Nicolas Sarkozy en appelle au peuple, il le prend à témoin, il prétend en incarner les aspirations les plus profondes sans pour autant lui laisser la faculté de s'exprimer.
Pour en savoir plus sur ce concept de "révolution conservatrice" appliqué à la politique française, je vous recommande l'article de jcdurbant posté le 17 avril qui commence par une longue citation de Pierre Bourdieu et se termine par un entretien avec Nicolas Sarkozy, paru dans le figaro le 16 avril, sur les valeurs qu'il entendait promouvoir lorsqu'il serait élu.
La campagne de Nicolas Sarkozy tranche beaucoup avec celle de Chirac qui portait sur la "fracture sociale" et oscillait entre une droite libérale classique et un centre-gauche italien. Nicolas Sarkozy a tenu les propos d'une droite décomplexée, sûre d'elle-même et de ses valeurs. Ce faisant, il a rendu son programme plus lisible quand sa concurrente usait ses forces à se démarquer d'un parti socialiste divisé depuis le 29 mai et tiraillé par des courants contraire
Ce n'est qu'à la condition qu'il adopte à son tour un discours "décomplexé" et résolument critique du néo-libéralisme que le PS pourra retrouver ses électeurs. Je ne crois pas à la réforme sociale-démocrate du Parti Socialiste que préconise Dominique Strauss-Kahn.
Quant à la "moralisation" de la vie politique, voilà ce que l'on peut en dire : Sur le plan moral, chaque citoyen se croit naturellement un parangon de vertu, chacun se figure être dans son bon droit et s'estime lésé par rapport à son voisin qui se couche plus tard, travaille moins et gagne pourtant cent euros de plus par mois. Je vois ce réflexe à l'oeuvre dans mon voisinage, je suis persuadé que les sociologues lui ont donné un nom bien que j'ignore lequel. Occupés que nous sommes à baver sur la nouvelle mercédès garée près de notre petite Renault, nous en oublions de nous scandaliser des parachutes dorés que se ménagent de plus en plus de patrons comme des produits mirifiques que touchent les détenteurs de stock options. Nous en oublions le creusement continu des écarts de richesse dans notre pays, l'exclusion d'un nombre important de citoyens hors de la "cité" (et leur enfermement dans la misère) et pire, nous finissons par verser des larmes sur la pauvre classe moyenne opprimée par les impôts (un sondage montre que la réduction des impôts figuraient dans les motivations de 41% des électeurs - rappelons qu'en 2005, 46 % de ceux qui ont voté Non à la constitution l'ont fait à cause du chômage).
Je me méfie tout autant du discours patriotique de Nicolas Sarkozy et regrette que la candidate socialiste se soit laissée aller à une forme de surenchère dans ce domaine pendant sa campagne. En tant que fonctionnaire, soucieux de la redistribution des richesses par le service public et de la qualité de ce service que je rends à la communauté, j'attends simplement de savoir à quelle sauce je vais être mangé. En tant qu'individu libre et pensant, je récuse les valeurs de notre nouveau président et m'apprête à livrer sur ce blog un combat d'idées avec ses partisans de rencontre, s'il s'en présente.