Monsieur Moi
Je n'arrive pas à trouver intéressante la question que Raphaël Enthoven pose chaque soir depuis 5 jours à ses invités dans l'émission de France-Culture intitulée Les Nouveaux chemins de la connaissance : Pourquoi écrit-on de l'autofiction ?
Je pensais déjà cela avant, et ce que j'entends tous les soirs me conforte dans cette opinion : l'autofiction, cette forme d'autobiographie sans rigueur et sans véritable travail introspectif ne se propose réellement d'autre but que d'émouvoir des journalistes en mal de confessions. Rien ne captive davantage la culture post-moderne que le dévoilement narcissique et la confusion entre le public et le privé. Encore faut-il que ce dévoilement corresponde à l'idée qu'on se fait d'un strip-tease : sans fausse pudeur, il n'y a pas de plaisir. Voilà donc pourquoi l'autobiographie ne nous suffit plus.
En effet, si la télévision ne nous avait pas habitués aux aveux extorqués par des journalistes avant tout soucieux de porter sur la "place publique" les affaires de coeur et de cul, nous en pincerions encore pour les oeuvres respectant le pacte autobiographique (ce pacte théorisé par Philippe Lejeune unissait un auteur qui essayait de dire la vérité sur lui-même et un lecteur qui essayait d'y croire malgré l'impossibilité de la tâche).
Aujourd'hui, on commence à nous raconter une histoire. Et puis au cours d'une péripétie on nous signale lourdement que cette histoire est arrivée à l'auteur du livre, comme si cela pouvait l'agrémenter de quoi que ce soit. Cette pratique fait aussi songer aux romans à clés du XVIIème siècle que l'on écrivait afin que des Grands de la cour pussent se reconnaître derrière les portraits de Nemours ou de la Princesse de Clèves. Jeu de mondains, l'autofiction n'aurait jamais pu dépasser en France le périphérique si le snobisme de certains profs d'université ne l'avaient exportée en Province.
Redisons-le : l'autofiction est une autobiographie molle. Je ne dis pas que l'autobiographie m'intéresse beaucoup. Mais au moins sa démarche était orientée vers un idéal de transparence. Tandis que l'autofiction est faite pour les demi-malins qu'intéressent davantage les frasques de telle ou telle sommité que la description sans cesse retentée de la condition humaine.