blocage des cours = blocage des idées
Choses entendues sur le campus cette semaine :
Démocratie
Etudiant A :
-Nous avons reconduit le blocage à Rennes 2, parce que l'AG en a décidé ainsi, et l'AG est souveraine.
Etudiant B :
-Mais qu'est-ce que pèse une AG de 600 personnes dans une fac où travaillent 17 000 étudiants ?
Etudiant A :
-Tu préfères peut-être qu'on organise tous les jours un vote à bulletin secret avec l'équipe administrative ?
Etudiant A :
-Au moins, ça préserve les formes élémentaires de la démocratie : le secret du vote, et des garanties sur l'identité des votants.
Etudiant C :
-Je ne vois pas pourquoi on empêcherait les camarades de Rennes 1 d'aller voter à Rennes 2, c'est la même cause que nous défendons.
Personnel A :
-eh ! doucement ! la fac c'est tout de même notre outil de travail, pas celui des gens de Rennes 1 !
Etudiant B :
-Vous allez voir ce qui va en être de votre outil de travail après le passage de la loi !
Personnel B :
Mon collègue a raison : c'est la communauté des usagers de cette fac qui doit décider de son fonctionnement. par ailleurs...
Etudiant C :
-Savez-vous que vous êtes invités à nous joindre à la tribune lors des AG, on y voit jamais aucun prof ni autre chose...
Personnel A (qui est agent à la scolarité)
-merci pour le "autre chose" !
Personnel B
-...par ailleurs, la démocratie, c'est prendre le temps d'une réflexion personnelle. Le citoyen se retrouve avec son bulletin en main et doit se déterminer seul. Vous, vous votez en groupe avec tout l'effet d'entraînement que ça comporte. S'il faut agir en groupe, il faut aussi prendre un temps de réflexion personnelle.
Etudiant B :
-tout juste, et c'est pareil pour vos débats sur le loi Pécresse où je devrais dire contre la loi Pécresse. Est-ce qu'on peut encore parler de débats s'il n'y a pas une confrontation de points de vue contradictoires ?
Etudiant C :
-La vraie démocratie, elle est dans la rue ; la vraie démocratie, c'est tout sauf le vote.
Etudiant A :
-En effet, nous n'avons pas besoin des formes bourgeoises de la démocratie qui empêche l'expression du peuple. Et d'ailleurs, c'est par les urnes, que Hitler est arrivé au pouvoir !
Etudiant B :
-Ah ça manquait, ça, je me demandais quand tu allais la sortir...
Stratégie
Un petit groupe discute un peu plus loin
Etudiant D :
Je comprends ton point de vue, ce n'est pas drôle d'aller aux examens en ayant raté plusieurs semaines de cours : mais en même temps, si on ne bloque pas la fac, personne n'ira aux manifs.
Etudiant E :
Eh bien, pourquoi vous ne passez pas plutôt à une grève tournante ? Ou bien pourquoi ne pas négocier une banalisation des journées de lutte nationales comme celle de jeudi prochain. Les cours seraient bloqués une demie-journée puis reprendraient ensuite.
Etudiant D :
Ca semble simple comme ça, mais en réalité ce ne serait pas facile à organiser. Comme les manifestations ont lieu soit le mardi soit le jeudi, ce seraient toujours les mêmes cours qui sauteraient. Et qu'en serait-il du rattrapage ?
Etudiant E :
Alors bloquons tous les cours plutôt que quelques uns ? C'est ça ta stratégie ?
Etudiant F :
En tout cas, c'est une stratégie qui a été payante lors du mouvement anti-CPE. Si Rennes 2 n'était pas restée bloquée si longtemps en 2006, peut-être qu'on travaillerait aujourd'hui sous le régime du CPE.
Personnel A :
Oui, mais la loi n'avait pas été promulguée, alors que là, elle l'a été. En plein été, peut-être, et dans la précipitation, mais elle l'a été. Votre mouvement risque de partir perdant.
Etudiant H :
alors "respect de la chose jugée", comme au temps de l'Affaire Dreyfus, c'est ça ?
Personnel B :
D'accord. C'est vrai, Jean ; c'est pas parce qu'une loi a été votée qu'on doit s'empêcher de dire qu'elle est mauvaise. Mais en ce qui concerne la méthode, là on ne peut pas vous suivre. Bloquer, c'est faire monter les tensions sur le campus. C'est risquer de créer des heurts et des confrontations physiques entre bloqueurs et anti-bloqueurs, comme cela a failli se produire sur le campus il y a un an et demie. Je ne veux plus être convié par la présidence a jouer une fois de plus les forces d'interposition.
Etudiant D : la violence, elle n'est pas de notre fait. Ce qu'on remarque depuis le début du mouvement contre la LRU par rapport au mouvement anti-CPE, c'est un recours aux forces de l'ordre beaucoup plus systématiques. Il y a eu Lyon 2, puis Nanterre et jeudi dernier les CRS qui sont venus chasser les étudiants de la fac.
Personnel A :
Etudiants ? La moitié d'entre eux n'étaient pas inscrits à Rennes 2. tout le monde sait que parmi eux il y avait des squatters de l'Ecluserie et des gens de Sud-PTT.
Etudiant D : Il y avait aussi des syndiqués. Nous nous servons du Hall B parce que nous n'avons pas d'autres lieux pour nous réunir. Où voulez-vous que nous allions pour organiser notre comité de grève. L'intervention de la police était une vraie provocation !
Etudiant E :
Et le non respect d'un vote démocratique [résultat du vote à bulletin secret organisé sur vote de l'AG des étudiants le lundi 12 novembre : 61,82% de voix contre le blocage], ce n'est pas une provocation peut-être ?
Personnel B : sans compter que les réchauds avec lesquels les bloqueurs font leur popote dans ce hall peuvent répandre le feu à tout moment. Or les issues de secours sont en partie bloquées par des chaises et des tables. La situation peut évoluer de façon dramatique.
Etudiant E :
-En plus dans la situation actuelle, on ne parle que de ça : de votre méthode, c'est à dire du blocage ; et pas du tout de l'enjeu, c'est à dire de la loi sur les universités. Le blocage, ça empêche la tenue de vrais débats.
Etudiant D :
Et qui viendrait à tes débats, si tout le monde pouvait revenir sagement suivre ses cours ?
Etudiant G:
Vous ne nous donnez pas le choix. En bloquant tout, vous vous asseyez sur nos libertés individuelles ! Quand des cheminots se mettent en grève, ils ne bloquent pas les gares comme vous avez essayé de le faire ; ils laissent partir les trains des non-grévistes.
Etudiant H :
Si les mineurs avaient agi ainsi au XIXème siècle, nous n'aurions jamais eu les Lois constitutionnelles de 1884. De même, il n'y aurait jamais eu de mai 68, si les étudiants n'avaient pas barricadé les amphis avec des chaînes. Les étudiants qui sont contre le blocage apportent un soutien de fait au gouvernement de Sarkozy. Nous nous oeuvrons contre le démantèlement du service public dans l'esprit du Conseil National de la Résistance.
Personnel A :
Ben voyons ! et les nazis, c'est tous ceux qui ne pensent pas comme vous, c'est ça ?
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