la philosophie des gens de mer

Publié le par Damien



La navigation sur la toile devient une préoccupation de plus en plus présente dans les écrits des philosophes en ce début de siècle (cf. les élucubrations de Pierre Lévy et les précieux travaux de Zygmunt Bauman à propos du concept de liquidité). Il faut dire que le surf numérique révolutionne notre rapport aux choses et aux hommes. Nous ne pouvons plus penser notre Etre-au-monde de la même manière avec une souris dans la main.

Pourtant, rien n'a tant fait bouger les lignes en matière philosophique que la course à travers les mers et l'apport de la science océanique. La devise du Capitaine Nemo l'exprime à merveille : tandis que les Hégéliens postulaient un monde dans lequel l'Etat était l'incarnation de la raison, le sombre pilote du Nautilus se jouaient des courants et des tempêtes : mobilis in mobile. C'est dans ce monde fluctuant que nous voguons aujourd'hui.

Alors que la navigation sur la toile (qui vous a permis d'accéder à la lecture de ces quelques  lignes) annule toute réflexion sur le sujet de notre rapport au corps. La navigation, "proprement" dite, restaure ce va-et-vient entre la tête qui pense sa route et sa position dans le monde et la main qui tient la barre, les oreilles qui voient le vent plus qu'elles ne l'écoutent.

La mer est l'archétype, comme le disait Anaximandre. Le feu s'éteint, le vent tombe, la terre se repose ;  jamais, en revanche, la mer ne cesse de "se recommencer" (P. Valéry). Par la succession ininterrompue de ses vagues, elle manifeste un mouvement perpétuel, comme une psalmodie, une louange à son créateur. Et c'est pourquoi le Démiurge y a placé les germes de la vie. La mer mérite toute notre attention.

Les philosophes qui se sont intéressés à la mer, à commencer par Aristote, sont nombreux ; en revanche, aucune bibliothèque au monde, à ma connaissance, ne comporte un livre qui s'appellerait la "Philosophe des gens de mer". Pourtant la mer qui fut le berceau de la vie, peut à bon droit prétendre être le berceau de la philosophie.
A part la montagne, ou le désert, dans quel lieu l'homme peut-il davantage se connaître lui-même dans ses limites et ses imperfections.

Les philosophes marins se comptent sur les doigts d'une main d'un  phacochère.
Je ne connais pour ma part aujourd'hui qu'
 Hervé Hamon qui puisse prétendre à cet honneur.

Bien sûr, il reste à définir ce que l'on entendrait par philosophie marine ; s'agirait-il seulement de ce corps de maximes qui émaille chaque édition de l'almanach breton ?
Beaucoup de marins qui réfléchissent affichent un regard extrèmement critique à l'égard de la société et une propension à la dérive, comme en témoignent les rédacteurs du site de la
Voile Pourave. Ne pourrait-on pas aller encore plus loin dans ce refus d'une vie normale marquée par des rythmes allogènes et tenter de définir ce qu'est au fond l'indépendance du philosophe marin ?

Tâche difficile, pour laquelle chaque contribution sera la bienvenue.

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Publié dans Voile et navigation

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S
"La mer est mon plaisir"... C'est par cette devise de Trébeurden que j'ai navigué jusque chez vous et feuilleté maintes pages avec bonheur. Je reviendrai.Bon dimanche.
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