De la rose première, ne tiendrons-nous que le nom ?

Publié le par Damien


Guillaume D'Ockham, principal acteur de la controverse médiévale qui opposa les réalistes aux nominalistes


A la fin du Nom de la Rose, Adso quitte avec son maître la butte sur laquelle la bibliothèque de l’Abbaye achève de se calciner. Une devise latine sert d’excipit au roman:

 

Stat pristina rosa nomine ; nomina nuda tenemus

(La Rose première ne se tient que par le nom ; nous ne possédons rien que des noms ; « des noms nus », signifie littéralement le texte latin, d’une nudité qui ne révèle rien d’autre que le vide.

 

La Rose Première est donc absente du monde infra-langagier, le monde de l’Être. Son parfum n’est que littéraire et la Littérature se voit nier la capacité d’appréhender ce qui est :

 

« je dis une rose et surgit l’absente de tout bouquet », écrivait Mallarmé qui invitait son lecteur à déserter la réalité et à trouver refuge dans le monde pur et irréel de la Littérature.

 

Je veux croire au contraire (mais cette croyance est, il est vrai, quasi-religieuse) que le langage, même assumé comme chaîne de signifiants arbitraires, a un rapport avec le Réel, que le langage poétique en prenant le chemin de la métaphore ou du contournement poétique (la Volta) arrive à pénétrer au cœur de l’être.

 

Ce qui nous empêche en réalité d’accéder à la Rose première, ce n’est pas l’absence de cette rose, ni l’emploi du mot « rose », mais l’abondance de roses fossilisées que mettent à notre disposition les industries modernes de « divertissement ».

 

La poésie n’est pas seulement une manière d’exprimer « le sentiment de la vie », mais une façon d’exprimer la vie elle-même.

 

La rose première se tient devant nous ; craignant son parfum archaïque autant peut-être que ses épines, nous préférons l’encadrer dans une image. Malheur à nous !

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Publié dans philosophie

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