De l'écologie comme nouveau paradigme économique

L'effondrement des bourses américaines et européennes et le couronnement de l'oeuvre de Jean-Marie Le Clézio par le prix Nobel sont deux événements dont les conséquences n'ont évidemment rien à voir et sont d'ordre de grandeur très différents. Néanmoins ils sont liés par une sorte de contrepoint dont je vais essayer de rendre compte dans cet article.
Il me semble que toute l'oeuvre de Le Clézio est une louange aux peuples du désert ou bien à ceux disparus de l'Amérique centrale qui les uns comme les autres ont promu un certain idéal d'équilibre. C'est cet idéal qui nous fait cruellement défaut aujourd'hui.
La crise financière, le dégonflement formidable que va subir après la bulle monétaire, l'enflure idéologique des capitalistes modernes dont nous subissons depuis trente ans les diktats rendent évidents au contraire l'irréalisme et le déséquilibre qui fondait notre économie et nos modes de vie.
Pour remplacer ce paradigme, il est hors de question, selon moi, de revenir à l'alternative marxiste ; même si Marx a bien diagnostiqué en son temps les excès morbides du capitalisme, la traduction de sa pensée en actes a conduit aux catastrophes que l'on a connues.
Faute de l'avoir choisie, nous finirons par subir la décroissance. La seule solution politique pour sortir de la crise consiste à remplacer le dogme de l'autorégulation des marchés -ou le peu qu'il en reste- par la sauvegarde de nos environnements naturels , ce qui implique une taxation des transferts financiers, une régulation du commerce par une agence démocratique et soucieuse du développement des peuples qu'elle représente, une relocalisation de l'économie, la mise en place d'une agriculture et d'une pêche qui ne soient plus productivistes mais respectueuses des cycles de la reproduction et du renouvellement des sols.
Les inuits s'appellent "les hommes", non pas par opposition aux autres hommes qui n'en seraient pas vraiment, mais par rapport à leur environnement constitué d'autres espèces que la leur et qui participent tout autant à leur survie que leurs congénères. L'homme qu'est l'inuk a conscience de sa place dans l'univers et sait que son existence dépend de sa co-existence avec les animaux et les rares végétaux qui l'entourent.
Tel est le sens de ces silhouettes cyclopéennes par lesquels ils jalonnent leurs chemins.
Seul l'homme, conscient de ce qu'il doit à la nature, peut nous servir de borne sur le chemin qui doit nous emmener hors de la présente crise.