L'italie des années 66 à 82 en trois films : 1. Romanzo Criminale:

Publié le par Damien

 

Le Froid (Kim Rossi Stuart) interrogé par le Commissaire (Stefano Accorsi)

 

Le cinéma italien est revenu plusieurs fois ces dernières années sur les Années dites "de plomb". Non sans un certain succès auprès d'un public qui entend ces jours-ci parler de l'extradition de Cesare Battisti, de la condamnation de Sofri et de la libération sous condition des meurtriers d'Aldo Moro. 

Tullio Giordana a filmé Nos meilleures années : (chronique d'une famille italienne de 1966 à 2002)

Bellochio a tourné Buongiorno Notte en 2003, (sur l'assassinat d'Aldo Moro)

Le film de Michelo Placido, Romanzo Criminale, sorti en 2005 est celui dans lequel l'Histoire semble apparemment jouer le rôle le plus marginal.

Son intrigue (ascension et décadence d'un gang) est construit exactement sur le schéma des Affranchis de Scorsese, mais dans une veine moins satirique. le ton est plus dramatique ; le meurtre du personnage principal  (Le Froid interprété par Kim Rossi Stuart) qui clôt le film de manière tragique ne ressemble par à la retraite grotesque du survivant de la guerre des gangs dans le film de Scorsese

Le film emprunte aussi beaucoup au scénario d'Il était une fois en Amérique de Sergio Leone. Les rapports d'amitié entre le Libanais et le Froid (amitié qui remontent à une scène cruciale de leur enfance mais que leurs projets divergents vont mettre à mal) font penser au face-à-face entre Robert de Niro et James wood.

Le personnage joué par Kim Rossi Stuart est sans doute le protagoniste du film, (bien que les autres membres du gang aient la plupart une existence propre -sans parler du commissaire qui les pourchasse). Son trajet est celui d'un gangster invétéré qui a essayé de s'affranchir de la mafia par esprit de vengeance, de s'affranchir de l'amitié par l'amour, de s'affranchir de l'amour par la fuite, de se libérer de ses geôliers par la maladie (il s'innocule un virus inconnu qui pourrait bien être le sida). Le Froid manipule et vend, sans la consommer, la drogue qui consume à petit feu son frère chéri. La concentration du pouvoir de tuer et de laisser vivre ne le fait pas prospérer dans le monde de la pègre parce que son idylle lui en a ôté l'envie. Au contraire, cette dictature qu'il exerce sur les autres membres du groupe qu'il connaît depuis son adolescence, fait des amis de toujours des ennemis mortels. Le Froid connaît une sorte d'hybris, mais cette démesure du héros qui se concentre sur des problèmes individuels tels que la vengeance et l'amour, lui évitent de tremper dans les combines dans lesquelles tombent les autres membres du gang.

Une cellule de contre-espionnage travaillant dans l'ombre d'un ministère italien libère le Libanais de prison contre des renseignements qui permettraient de retrouver le Président de la Démocratie Italienne (Aldo Moro) sequestré depuis quelques semaines par des brigadistes. Quand celui-ci est sur le point d'être libéré par le gang, un ordre vient annuler tous leurs efforts de recherche. Le réalisateur interprête le refus de négocier avec les Brigade Rosse, comme une volonté politique de faire de Moro un martyr dont la mort sanctifiera la lutte contre les extrémistes de gauche. Le film va même plus loin et fait un lien entre les services secrets italiens, la mafia et les terroristes d'extrème-droite. 

En effet, le chef de ces services commande quelques années plus tard au Libanais l'assassinat de l'exécutant du massacre de Bologne, après que l'attentat a eu lieu. Là encore, le film interprête d'une façon qui est à la fois audacieuse et contestable les tentatives de l'Etat d'incriminer les Brigades Rouges -alors que l'enquête a prouvé qu'il s'agissait finalement d'un groupe d'extrême droite (un scénario similaire s'est déroulé sous nos yeux après le 11 mars 2004 à Madrid ; seuls les protagonistes avaient changé)-. D'après le film auquel certains reprocheront sans doute une propension à la théorie du complot,  L'Etat aurait pu empêcher la mort de dizaines de personnes à la gare de Bologne, comme il aurait pu empêcher l'exécution d'Aldo Moro. Dans les deux affaires, Il aurait eu recours à la mafia, via une cellule ultra-secrète.

Quelques jours après la chute du mur, le chef de cette cellule secrète déclare à la fin du film (au commissaire qui a réussi à infiltrer son réseau) :

Avec le mur de Berlin, notre travail, aussi contestables qu'en soient les formes, n'aura plus pour but de soutenir la Liberté, mais uniquement des intérêts privés.

Cette sur cette dénonciation de la realpolitik à la Kissinger (la raison d'Etat doit être l'argument final pour assurer le bien-être et la liberté des citoyens menacés dans leur pays par le fléau du communisme) que s'achève Romanzo Criminale.

Le réalisateur a non seulement utilisé des images d'archives pour situer son intrigue dans l'Histoire, mais en outre, il a changé le grain de sa caméra pour filmer son acteur (toujours Kim Rossi Stuart) comme si un cameraman l'avait filmé au moment des faits au milieu des débris de la gare touchée par l'attentat (le procédé rappelle un peu celui de Zemeckis dans Forrest Gump de Ce changement de format de pellicule est l'un des moyens les plus voyants qu'a utilisés Placido pour faire entrer dans ce film qui n'est apparemment qu'un film de gangster, l'Histoire, "avec une grande hache". 

 

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Publié dans cinéma

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T
A voir le magnifique Cher Papa, de Dino Risi, avec Vittorio Gassman, dans le rôle d'un "tycoon" italien, en prise avec un fils rebelle.
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