visite du Pape : religionite aigüe
Quelle plus belle profession d'athéisme que d'aimer, confie le protagoniste du sourire de ma mère à un cardinal. Non pas d'aimer son prochain, abstraitement, mais d'aimer une femme et de lui donner tout ce qu'on a, tout ce qu'on est. (Sergio Castellitto et Chiara Conti dans l'Ora di religione)
On se souvient que dans Zone, Appolinaire "à la fin [..] las du monde ancien" affirmait que l'Européen le plus moderne, c'était le pape Pie X. Tel nous est apparu Benoît XVI, lors de sa récente visite à Paris. Le paradoxe n'est qu'apparent : en effet, en se faisant le gardien d'une morale rigoriste (que la grande majorité des Européens acceptent avec bienveillance sans pour autant la suivre), en s'affublant des chasubles les plus empesées et des tiares les plus rutilantes, en opposant foi à relativisme, sans prendre en considération qu'il peut y avoir une morale sans religion, et un universalisme sans Dieu, bref en recentrant les Chrétiens sur la doctrine et les rites identificatoires, le Pape illustre parfaitement bien ce que Bastide appelait "L'esprit de la maison close" et qui est la véritable pensée des temps futurs : que chacun revête sa livrée de chrétien, de musulman ou de juif, de serbe, de croate ou de chinois ; que chacun se conforme à la loi de la communauté, car un individu, seul et libre, ce n'est rien ; ce qui compte, c'est le groupe, c'est l'identité, ce sont les racines, ce sont les rites que nous suivons et qui nous définissent comme tel ou tel.
Néanmoins s'il demeure quelque chose d'archaïque dans la religion catholique, c'est le Vatican. Personnellement, je n'ai jamais compris comment le représentant de Dieu sur Terre pouvait être riche à ce point, alors que -disaient les Franciscains du XIIIème siècle, le Christ ne possédait pas même les vêtements qui le couvraient.
Au moment où le Vatican se met à faire la morale aux spéculateurs, comment ne pas voir les valeurs considérables que la Curie place en bourse ?
Comment les catholiques ne voient-ils pas que le Pape perd en prestige symbolique ce que son administration fait fructifier en valeurs monétaires ?
Comment ne pas s'offusquer à leur place de l'existence d'un Etat du Vatican (même dénué de divisions). Pourquoi fait-on comme si cette confusion permanente de deux ordres qui s'opposent, le temporel et le spirituel, allait parfaitement de soi.
Et comment dans l'opinion ne pas s'inquiéter de la confusion grandissante entre la confiance en un Dieu aimant et le droit coutumier du troupeau qu'on l'appelle "char'ia", "catéchisme de l'Eglise catholique". Les catalogues de vices et de péchés ont malheureusement de beaux jours devant eux.
En contr'exemple, je vais vanter mes deux modèles : celui des moines irlandais qui se fichaient bien du Pape dans leur île lointaine. Ces moines avaient conservé de leurs racines païennes certaines tendances panthéistes qui me sont beaucoup plus proches que toutes ces fables au sujet des Anges et du Purgatoire. Et en guise d'illustration de ce que j'avance, je citerai l'hymne de Saint-Patrick :
à la lumière du soleil
à la blancheur de la neige
à l'illumination de l'éclair
à la force du feu
à la vitesse du vent
à la profondeur de la mer
à la stabilité de la terre
à la dureté des rochers"